Cette décision du Conseil d’État apporte des précisions importantes en matière de marchés publics, notamment sur la question de la recevabilité des offres au regard des crédits budgétaires alloués à un marché.
Contexte et objet du litige
La Ville de Paris avait lancé un appel d’offres pour la passation d’un accord-cadre à bons de commande concernant la fourniture et la maintenance de corbeilles de rue compactantes à énergie solaire. Dans ce cadre, elle avait rejeté l’offre de la société Actor France au motif que le montant proposé par celle-ci excédait les crédits budgétaires qu’elle avait alloués pour ce marché, soit 2 500 000 euros hors taxes. La société requérante a contesté cette décision, demandant l’annulation ou la résiliation du contrat, ce qui a conduit à une série de recours devant les juridictions administratives.
Décisions de la Cour administrative d’appel et du tribunal administratif
La société Actor France a initialement saisi le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande. Ce rejet a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Paris. La société s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’État.
Analyse du Conseil d’État
Le Conseil d’État s’est penché sur une question cruciale : le pouvoir adjudicateur peut-il rejeter une offre au motif qu’elle excède les crédits budgétaires alloués, même si ce montant n’a pas été porté à la connaissance des candidats ?
La haute juridiction a rappelé que pour qu’une offre puisse être qualifiée d’inacceptable en raison de son dépassement des crédits budgétaires, il est impératif que le montant alloué à cet effet soit explicitement communiqué aux candidats lors de la procédure d’appel d’offres. En l’espèce, la Ville de Paris n’avait pas informé les soumissionnaires du montant du budget qu’elle avait effectivement alloué au marché (2 500 000 euros HT), même si le montant maximum de l’accord-cadre figurait bien dans l’avis d’appel public à concurrence (3 500 000 euros HT).
Décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel et jugé que la Ville de Paris ne pouvait pas, dans ces conditions, qualifier l’offre de la société Actor France d’inacceptable simplement parce qu’elle excédait les crédits budgétaires effectivement disponibles. En l'absence d’information préalable donnée aux candidats sur ces crédits, le rejet de l'offre sur ce fondement est illégal.
Portée de la décision
Cette jurisprudence précise que les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de transparence lorsqu’ils invoquent des critères budgétaires pour écarter une offre. Si un pouvoir adjudicateur souhaite que le dépassement d’un certain plafond budgétaire entraîne l’inacceptabilité d’une offre, il doit impérativement porter ce montant à la connaissance des candidats lors de la procédure de consultation.
Cela vise à garantir l’égalité entre les candidats et à éviter toute décision arbitraire ou imprévisible concernant la gestion budgétaire des marchés publics. Par ailleurs, cette décision encourage une gestion rigoureuse et transparente des crédits publics alloués aux marchés.