Référence
CE, 20 décembre 2024, Société JSA Technology, n° 475416
Problématique juridique
À partir de quelle date court le délai de prescription décennale de l’action en responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage contre les constructeurs ?
I. Analyse Juridique
1. Le cadre juridique applicable
- Article 1792-4-3 du Code civil : fixe à dix ans à compter de la réception des travaux le délai de prescription des actions dirigées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs et sous-traitants.
- CCAG Travaux : les articles 41.4, 41.5 et 41.6 précisent les modalités de la réception des travaux (avec ou sans réserve, ou sous réserve).
2. La position du Conseil d’État
Rappel du principe :
Le Conseil d’État réaffirme que la réception des travaux marque la fin des relations contractuelles et constitue le point de départ du délai de prescription décennale.
Précision importante :
Il clarifie que la date d’effet de la réception fait courir le délai de prescription, qu’elle soit :
Sans réserve,
Avec réserves,
Sous réserve (comme en l’espèce, où la réception était conditionnée au raccordement de la centrale photovoltaïque).
Substitution de motif :
Le Conseil d’État annule l’interprétation de la cour administrative d’appel, qui considérait que le délai ne courait qu’à compter de la levée des réserves. Il fait donc partir la prescription décennale dès le 28 février 2013, confirmant ainsi que l’action du maître d’ouvrage n’était pas prescrite.
3. Portée et implications juridiques
- Sécurisation des délais de recours : les maîtres d’ouvrage doivent compter les dix ans à partir de la date d’effet de la réception, même en présence de réserves.
- Éviction du délai de prescription quinquennale : cette décision empêche de réduire le délai de recours en cas de réserves non levées.
- Harmonisation avec la jurisprudence existante : le Conseil d’État confirme sa position adoptée dans l’arrêt CE, 12 avril 2022, Société Arest, n° 448946.
II. Application Pratique
1. Pour les maîtres d’ouvrage
Anticiper la prescription : il est impératif d’engager une action dans les dix ans suivant la réception, même si certaines réserves ne sont pas levées.
Documenter précisément la réception : s’assurer que la date d’effet est bien consignée pour éviter tout débat sur le point de départ du délai.
2. Pour les constructeurs et sous-traitants
Maîtriser la portée des réserves : une réception avec réserve n’empêche pas l’écoulement du délai décennal.
Prévoir une défense solide en cas de litige : l’argument de la prescription quinquennale ne pourra plus être utilisé en cas de réserves non levées.
III. Conclusion
Le Conseil d’État met fin à l’incertitude quant au point de départ du délai de prescription en cas de réception avec réserves ou sous réserve. Désormais, les acteurs de la commande publique doivent se référer exclusivement à la date d’effet de la réception pour calculer les délais d’action.