Référence
CJUE, 16 janvier 2025, DYKA Plastics NV c. Fluvius System Operator CV, Aff. C-424/23
Problématique juridique
Dans quelles conditions un pouvoir adjudicateur peut-il imposer un type de matériau précis dans les documents de la consultation d’un marché public ?
I. Analyse Juridique
1. Le cadre juridique applicable
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Directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics :
- Son article 42 fixe de manière exhaustive les méthodes de formulation des spécifications techniques.
- Il interdit toute restriction injustifiée à la concurrence et impose l’ajout de la mention « ou équivalent » lorsqu’un matériau spécifique est exigé.
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Principe d’égalité d’accès et de libre concurrence :
- Un pouvoir adjudicateur ne peut imposer un matériau précis sans justification valable, au risque d’éliminer certains candidats.
2. La position de la CJUE
Règle générale :
Un pouvoir adjudicateur ne peut pas imposer un matériau spécifique sans permettre l’offre de solutions alternatives, sauf si cette exigence est inévitablement liée à l’objet du marché.
Les exceptions admises :
L’imposition d’un matériau précis sans mention « ou équivalent » n’est permise que dans trois cas :
Existence d’une règle technique nationale obligatoire.
Impossibilité de décrire précisément l’objet du marché autrement.
Nécessité absolue du matériau en raison de l’objet du marché (aucune alternative technique n’étant envisageable).
Sanction en cas de non-respect :
Si un acheteur impose un matériau sans l’adjonction de « ou équivalent » hors des cas admis, il méconnaît :
Le principe d’égalité d’accès à la commande publique.
L’interdiction de créer des obstacles injustifiés à la concurrence.
3. Application au cas d’espèce
- L’acheteur imposait des tuyaux en grès et en béton, sans permettre d’autres matériaux sauf exceptions techniques.
- Une entreprise produisant des tuyaux en plastique a contesté cette restriction.
- La CJUE a jugé que cette exigence n’était pas justifiée par l’objet du marché, puisqu’aucune preuve n’avait été apportée démontrant l’impossibilité d’utiliser un autre matériau.
II. Application Pratique
1. Pour les pouvoirs adjudicateurs
Utiliser des spécifications ouvertes en mentionnant toujours « ou équivalent » sauf nécessité technique absolue.
Justifier toute exigence restrictive en démontrant qu’aucune autre solution n’est viable.
Anticiper les contestations en s’assurant que les critères ne restreignent pas indûment l’accès au marché.
2. Pour les candidats aux marchés publics
Surveiller les exigences matérielles dans les documents de consultation et exiger des clarifications.
Contester les restrictions injustifiées qui empêchent une libre mise en concurrence.
Proposer des solutions équivalentes et exiger leur prise en compte.
III. Conclusion
La CJUE renforce le principe de libre concurrence dans les marchés publics en encadrant strictement l’imposition de matériaux spécifiques. Les acheteurs doivent désormais justifier toute exigence restrictive ou permettre des alternatives, sous peine d’annulation du marché.