Dans son arrêt du 26 septembre 2024, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé contraire au droit de l'Union une réglementation nationale italienne qui interdisait à un membre d’un groupement momentané d’entreprises (GME) de se retirer après la remise des offres, même lorsque la prolongation de la durée de validité des offres était demandée par le pouvoir adjudicateur. Cette décision, fondée sur le principe de proportionnalité, réaffirme la protection de la flexibilité dans la composition des groupements temporaires, en respectant les exigences du droit de l’Union européenne.
Contexte de l'affaire :
Un pouvoir adjudicateur italien a prolongé à huit reprises la durée de validité des offres dans une procédure de passation de marché. Deux membres d'un GME se sont retirés avant la signature du contrat. Le pouvoir adjudicateur a alors décidé d'exclure le groupement, estimant que la modification de sa composition contrevenait aux règles nationales qui imposent le maintien de l'identité juridique du GME jusqu’à la signature du marché.
Le litige a conduit la CJUE à se prononcer sur la compatibilité de cette réglementation nationale avec le droit européen.
Décision de la CJUE :
La Cour a rappelé plusieurs points fondamentaux :
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Liberté de constitution des groupements : La directive européenne sur les marchés publics autorise la création de groupements temporaires d’entreprises pour permettre aux opérateurs de répondre ensemble à des exigences minimales de candidature. Toutefois, ni cette directive ni l'actuelle ne prévoient expressément de règles sur la modification des groupements en cours de procédure.
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Proportionnalité et égalité de traitement : Si les États membres sont libres de réguler cette question, ils doivent respecter les principes généraux du droit de l’Union, tels que l’égalité de traitement, la transparence, et surtout la proportionnalité. Une réglementation nationale qui impose de façon rigide le maintien de la composition du groupement dès la remise des offres va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer ces principes.
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Respect des capacités des membres restants : Tant que les membres restants du GME continuent à satisfaire aux exigences techniques et financières imposées par l’acheteur, et que leur retrait ne crée pas une distorsion de concurrence pour les autres soumissionnaires, l’interdiction stricte de toute modification est disproportionnée.
Impact et portée de la décision :
La CJUE a ainsi invalidé la règle italienne, jugeant qu’elle méconnaissait le principe de proportionnalité. Elle a conclu qu’un opérateur économique doit pouvoir se retirer d'un GME lorsque le pouvoir adjudicateur prolonge la durée de validité des offres, tant que cette modification ne porte pas atteinte à la qualité des candidatures restantes.
En France, cette décision pourrait avoir un impact sur l’article R2142-26 du code de la commande publique, qui impose le maintien de la composition d’un GME entre la remise des candidatures et la signature du marché. Cet article devra être interprété à la lumière du principe de proportionnalité, permettant ainsi des ajustements sous certaines conditions, notamment lorsque les membres restants respectent les conditions de participation et que la concurrence n'est pas compromise.
Cette décision souligne la nécessité d’une approche flexible et pragmatique dans les procédures de passation de marchés publics, tout en respectant les principes fondamentaux du droit européen. Elle protège à la fois les intérêts des opérateurs économiques et ceux des acheteurs publics, en assurant que les règles nationales ne soient pas appliquées de manière excessive au détriment de la concurrence et de l'équité dans les procédures.