Dans son arrêt du 27 septembre 2024 (affaire Région Guadeloupe), le Conseil d’État a jugé que l'acheteur public ne commet aucun manquement à ses obligations de transparence et de mise en concurrence lorsqu'il communique tardivement à un soumissionnaire les motifs du rejet de son offre, plusieurs mois après l'attribution du marché. Cette décision souligne que la procédure de passation n’est pas irrégulière du seul fait d’un retard dans la notification, à condition que le candidat évincé ait reçu toutes les informations nécessaires pour former un recours.
Contexte de l’affaire :
Dans cette affaire, un marché public avait été attribué, mais la notification des motifs de rejet avait été transmise au soumissionnaire évincé 15 mois après l'attribution. Le tribunal administratif de Guadeloupe avait initialement annulé la procédure de passation en raison de ce délai, estimant que l'acheteur avait manqué à ses obligations de transparence en ne respectant pas le délai imposé par le code de la commande publique.
Le Conseil d’État, saisi en cassation, a annulé cette décision en considérant que le délai tardif n'était pas en soi un motif d'irrégularité, tant que le soumissionnaire avait pu obtenir toutes les informations nécessaires pour exercer son droit de recours.
Décision du Conseil d’État :
Le Conseil d’État a précisé que l'objectif des articles L.2181-1 et R.2181-1 du code de la commande publique est de permettre aux candidats évincés de contester efficacement la décision d’attribution du marché. Ainsi, une notification tardive des motifs de rejet ne constitue pas une violation des règles de transparence si le soumissionnaire évincé a eu connaissance des éléments nécessaires pour comprendre les raisons de son éviction et engager un recours.
En l’espèce, le soumissionnaire avait déjà eu accès à suffisamment d'informations pour contester la procédure de passation, même avant la notification officielle de son rejet.
Portée de la décision :
Cette jurisprudence introduit une certaine flexibilité dans l'application des délais de notification des motifs de rejet. Le simple retard dans l'envoi des lettres de rejet n'entraîne pas nécessairement l'irrégularité de la procédure, tant que les soumissionnaires non retenus disposent de toutes les informations pertinentes pour exercer leur droit de recours en temps utile. Cependant, l'absence de ces informations pourrait toujours conduire à l’annulation de la procédure.
Ce jugement met en lumière l'équilibre à trouver entre le formalisme de la procédure et l'effectivité des droits des candidats évincés. Il rappelle aux acheteurs publics que la transparence ne se limite pas à respecter strictement des délais administratifs, mais repose sur la capacité des candidats à défendre leurs droits de manière éclairée. La flexibilité accordée par cette décision permet de relativiser les rigidités liées aux délais, sans pour autant négliger la nécessité d’informer clairement et rapidement les soumissionnaires évincés.
Ainsi, cette jurisprudence offre aux acheteurs une plus grande souplesse, mais les invite à rester vigilants quant à la qualité et la complétude des informations transmises aux candidats non retenus.