Dans un arrêt du 18 juillet 2024 (Association Nayma), le Conseil d’État a jugé qu’une contradiction manifeste entre l’avis d’appel public à la concurrence et le règlement de la consultation n’entraîne pas automatiquement l’irrégularité de la procédure de passation d’un marché public. Le règlement de la consultation prévaut, et il appartient aux opérateurs économiques de bonne foi de repérer les incohérences « aisément décelables ». Ce principe limite les recours des candidats, notamment lorsqu’ils n'ont pas cherché à clarifier la situation auprès du pouvoir adjudicateur.
Contexte de l'affaire :
Dans cette affaire, une entreprise avait vu ses offres rejetées comme irrégulières, car elle avait candidaté à quatre lots d’un marché public alors que le règlement de la consultation limitait cette possibilité à deux lots. Toutefois, l'avis d’appel public à la concurrence autorisait les entreprises à postuler à l’ensemble des lots. L’entreprise requérante a contesté son éviction en faisant valoir cette contradiction entre les deux documents.
Le Conseil d’État a considéré que la contradiction entre l’avis public et le règlement de la consultation était facilement détectable par un candidat raisonnablement diligent. En outre, le règlement de la consultation prévaut sur les autres documents, et les candidats devaient s'y conformer. L’entreprise, faute d’avoir interrogé le pouvoir adjudicateur pour clarifier cette ambiguïté, ne pouvait invoquer un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence pour contester son rejet.
Décision du Conseil d’État :
Le Conseil d’État a statué que la contradiction entre les documents du marché, lorsqu’elle est aisément identifiable, n’entraîne pas une irrégularité de la procédure. Il revient aux soumissionnaires de détecter et signaler ces incohérences. La juridiction a précisé que l’entreprise n’avait pas de raison de se méprendre de bonne foi, car le règlement de la consultation devait primer sur les autres documents.
Ainsi, le Conseil d’État rappelle que :
- Les contradictions dans les documents de la consultation, lorsqu’elles sont décelables, ne constituent pas un manquement automatique aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
- Les candidats ont la responsabilité de s'assurer de la cohérence des informations contenues dans les différents documents et de demander des clarifications en cas d’ambiguïté.
Portée de la décision :
Cette décision infléchit légèrement la jurisprudence du Conseil d’État en matière de contradictions dans les procédures de passation. Jusqu’alors, des divergences entre les documents pouvaient entraîner une annulation de la procédure. Désormais, une contradiction aisément repérable ne suffit plus à elle seule pour annuler un marché, surtout si le candidat n’a pas pris les mesures nécessaires pour clarifier les exigences du pouvoir adjudicateur. Ce jugement vise à encourager les entreprises à adopter une démarche proactive en interrogeant l'acheteur en cas de doute.
Cette jurisprudence soulève une question importante : jusqu’où doit aller la diligence des candidats dans la lecture des documents de consultation ? Le Conseil d’État semble désormais estimer que les opérateurs économiques doivent assumer une responsabilité accrue dans l’identification et la clarification des contradictions, sans quoi ils risquent de voir leurs recours rejetés. Cela pourrait toutefois renforcer la complexité pour les entreprises, surtout lorsque les documents fournis manquent de clarté.
Quelle est la limite de la "bonne foi" des candidats dans l’interprétation des documents de la consultation, et à quel point l’acheteur doit-il se montrer transparent dans la formulation de ses exigences ? Cette décision invite à une réflexion sur l’équilibre entre la transparence des acheteurs publics et la responsabilité des soumissionnaires.