Dans deux décisions rendues le 23 octobre 2024, le Conseil d’État a précisé l’articulation entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité décennale du contrôleur technique dans une opération de construction. Cette jurisprudence clarifie comment la responsabilité du contrôleur technique s'intègre dans le cadre de la réparation des dommages aux côtés des autres constructeurs et participants à l’opération.
Contexte des affaires :
Le contrôleur technique, dont la mission est de vérifier la solidité des ouvrages et le respect des normes, peut être tenu responsable de manière contractuelle envers le maître d’ouvrage, mais aussi au titre de sa responsabilité décennale pour les dommages affectant les travaux. Ces affaires sont centrées sur la question de savoir si un contrôleur technique peut être condamné solidairement avec d'autres constructeurs pour des manquements contractuels, et comment il peut appeler en garantie les autres participants à l’opération dans le cadre de sa responsabilité décennale.
Décisions du Conseil d’État :
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Responsabilité contractuelle et solidarité avec les autres constructeurs : Dans la première affaire, un contrôleur technique avait été condamné in solidum (solidairement) avec d’autres constructeurs à réparer les dommages causés par leurs fautes contractuelles. Le Conseil d’État a confirmé cette condamnation, précisant que la solidarité pouvait être engagée en matière de responsabilité contractuelle lorsque les fautes sont partagées. Le second alinéa de l’article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, qui limite la responsabilité décennale du contrôleur technique, ne s’applique pas à sa responsabilité contractuelle envers le maître d’ouvrage.
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Appel en garantie et responsabilité décennale : Dans la seconde affaire, le contrôleur technique, condamné au titre de sa responsabilité décennale, avait tenté d’appeler en garantie les autres participants à l’opération. Le Conseil d’État a précisé que le contrôleur technique ne peut se décharger de sa responsabilité décennale qu’en démontrant que les autres constructeurs ont commis une faute ayant contribué au dommage. Il ne peut pas simplement invoquer son absence de faute pour échapper à sa propre responsabilité de plein droit.
Portée des décisions :
Ces arrêts confirment que le contrôleur technique est soumis à des régimes de responsabilité distincts selon qu’il s’agit de sa responsabilité contractuelle ou de sa responsabilité décennale :
- Responsabilité contractuelle : Le contrôleur peut être tenu responsable solidairement avec les autres participants à l’opération, si ses manquements contractuels ont contribué au dommage.
- Responsabilité décennale : Pour échapper à cette responsabilité, il doit prouver que d'autres constructeurs ont également contribué au dommage par leurs fautes.
Le Conseil d’État souligne l’importance de la démonstration de la faute des autres constructeurs dans le cadre d’un appel en garantie, renforçant ainsi la rigueur des exigences probatoires dans les recours en responsabilité.
Cette jurisprudence apporte des clarifications importantes pour les acteurs de la construction, en particulier pour les contrôleurs techniques dont le rôle est souvent crucial. Comment équilibrer les différentes formes de responsabilité tout en préservant les garanties offertes au maître d'ouvrage ? Le double régime contractuel et décennal impose une vigilance accrue de la part des intervenants à toutes les étapes de l’opération de construction.
Cela pose également la question des stratégies de défense des constructeurs lorsqu’ils sont appelés en garantie. Jusqu’où va la solidarité entre les acteurs de la construction, et comment peuvent-ils se prémunir contre la responsabilité conjointe ? Les constructeurs doivent être prêts à démontrer précisément le rôle de chaque intervenant dans la survenance d'un dommage pour éviter des condamnations excessives.