Dans un arrêt du 17 octobre 2024 (NFŠ a. s. c/ République slovaque), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé que lorsqu’un ensemble contractuel entre un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique inclut un contrat de subvention et une promesse d’achat pour la réalisation d’un ouvrage (ici, un stade de football), cet ensemble peut être qualifié de marché public de travaux. La CJUE a mis en avant les obligations réciproques et l’intérêt économique pour l’autorité publique, confirmant que de tels arrangements relèvent du régime des marchés publics.
Contexte de l'affaire :
Le ministère de l’Éducation slovaque avait signé un contrat de subvention avec la société NFŠ pour la construction du stade national de football. Par la suite, il avait conclu une promesse d’achat du stade avec NFŠ, précisant les conditions de vente ainsi que les spécifications techniques de l’ouvrage. La promesse d’achat était conditionnée à l’approbation de la Commission européenne sur la compatibilité de l’ensemble avec les règles relatives aux aides d’État, ce qui a été validé.
Ce montage contractuel a conduit les autorités slovaques et NFŠ à un litige, portant sur la question de savoir si cet arrangement pouvait être qualifié de marché public de travaux. La CJUE a été saisie pour trancher cette question.
Décision de la CJUE :
La CJUE a conclu que la combinaison du contrat de subvention et de la promesse d’achat constitue un marché public de travaux en raison de plusieurs facteurs :
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Lien matériel et temporel entre les contrats : Bien que la subvention et la promesse d'achat soient des contrats distincts, ils portent sur le même projet et sont temporellement liés, formant un ensemble indissociable.
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Caractère onéreux et synallagmatique : L’ensemble contractuel repose sur un engagement réciproque, avec un paiement de subvention en contrepartie de la construction du stade selon les spécifications du ministère. Ce caractère synallagmatique établit le contrat comme onéreux, essentiel pour la qualification de marché public.
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Intérêt économique pour l’autorité publique : L'État slovaque a obtenu un droit de préemption, car toute vente du stade à un tiers exige son consentement préalable. De plus, la promesse d'achat de l'État protège NFŠ des risques commerciaux, puisqu'elle garantit l'achat du stade en cas d’échec économique de l’ouvrage.
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Influence déterminante sur les spécifications : Le ministère de l'Éducation a imposé des spécifications techniques pour la construction du stade, ce qui démontre une influence publique déterminante sur le projet.
Ces éléments montrent que l’ensemble contractuel crée des obligations réciproques entre l’État et NFŠ, incluant la réalisation du stade selon les exigences de l’autorité publique et une garantie d’achat. La CJUE a ainsi conclu que cet ensemble constitue un marché public de travaux, au sens de la directive européenne 2004/18/CE.
Portée de la décision :
Cette décision élargit la compréhension de ce qui peut constituer un marché public de travaux en prenant en compte l'ensemble des engagements réciproques et les garanties offertes à l’opérateur privé. Elle rappelle que les pouvoirs publics doivent s'assurer que les montages contractuels indirects (promesse d’achat, subventions) ne servent pas à contourner les règles de mise en concurrence.
Réflexion :
Cette jurisprudence appelle les pouvoirs adjudicateurs à être particulièrement attentifs à l’articulation entre les contrats lorsqu'ils concluent des arrangements complexes pour la réalisation d’ouvrages. Comment peuvent-ils structurer leurs engagements sans risquer une requalification en marché public ? La décision de la CJUE met en lumière l'importance de la transparence et de la mise en concurrence, soulignant que les dispositifs contractuels doivent respecter l'esprit des règles des marchés publics lorsqu’ils impliquent des engagements réciproques importants.
CJUE, 17 octobre 2024, NFŠ a. s./République slovaque, Aff. n° C-28/23