Dans un arrêt du 31 octobre 2024 (Métropole Aix-Marseille Provence), le Conseil d’État a apporté une clarification importante concernant le calcul du manque à gagner d’un candidat irrégulièrement évincé d’un marché public. Cette décision précise que le manque à gagner se calcule en déduisant du chiffre d’affaires non réalisé l’ensemble des charges variables et la quote-part des coûts fixes affectée à l’exécution du marché.
Contexte de l’affaire :
La société SMA Vautubière, évincée du lot n°2 d’un marché public attribué à Suez RV Méditerranée, a saisi la justice pour obtenir la résiliation du contrat et une indemnisation pour préjudice. Après avoir été reconnue irrégulièrement évincée par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Marseille, une expertise judiciaire a été conduite pour évaluer le préjudice économique subi par la société requérante.
La métropole Aix-Marseille Provence, condamnée à indemniser la société, s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État, contestant le mode de calcul utilisé par la cour administrative d’appel.
Décision du Conseil d’État :
Le Conseil d’État a rappelé et précisé les principes suivants :
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Méthode de calcul du manque à gagner :
- Le manque à gagner d’une entreprise irrégulièrement évincée est calculé en soustrayant du chiffre d’affaires non réalisé les éléments suivants :
- Les charges variables liées à l’exécution du marché (ex. : coûts directs comme la main-d'œuvre ou le carburant).
- La quote-part des coûts fixes affectée à l’exécution du marché, proportionnelle à son importance dans l’activité de l’entreprise.
- Le manque à gagner d’une entreprise irrégulièrement évincée est calculé en soustrayant du chiffre d’affaires non réalisé les éléments suivants :
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Erreur de droit de la cour administrative d’appel :
- La cour administrative d’appel avait conditionné la prise en compte des coûts fixes à l’existence de frais supplémentaires que l’entreprise aurait dû engager pour exécuter le marché. Le Conseil d’État a jugé que cette approche était erronée.
- Les coûts fixes, qu’ils soient directement liés ou non à des frais supplémentaires, doivent être pris en compte proportionnellement à l’exécution du marché.
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Annulation de la décision de la cour d’appel :
- En raison de cette erreur, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille concernant l’évaluation du préjudice subi par SMA Vautubière.
Portée de la décision :
Cette décision clarifie les modalités d’évaluation du préjudice économique en cas d’éviction irrégulière d’un marché public, en établissant une méthode de calcul rigoureuse et équitable. Elle renforce également la nécessité pour les juridictions de respecter ces principes lors de l’estimation du manque à gagner.
Réflexion :
Le jugement illustre l’importance d’une évaluation précise et objective du préjudice subi par les candidats irrégulièrement évincés. En insistant sur l’intégration des coûts fixes dans le calcul, le Conseil d’État garantit une indemnisation qui reflète la réalité économique des entreprises, tout en évitant des évaluations arbitraires.
Cette jurisprudence incite également les acheteurs publics à renforcer leur vigilance pour prévenir les évictions irrégulières et leurs lourdes conséquences financières.
CE, 31 octobre 2024, Métropole Aix-Marseille Provence, n° 490242